Introduction : pourquoi notre vision de la normalité évolue
Vivre des traumatismes, puis passer outre, change notre vision de la normalité : une situation considérée auparavant comme anormale ou ubuesque devient, à nos yeux, acceptable ou censée.
On s’est renforcé ou on a changé (souvent les deux à la fois), donc une situation auparavant insupportable ne nous impacte plus, du moins consciemment. On considère cette dernière comme normale. Lorsque, de surcroît, on se laisse porter par la morale fallacieuse du système, on finit par considérer la situation en question comme… bien.
A) Normalité et intégration sociale
Bien des citoyens évoquent, après coup, les situations qui les ont marqués, par exemple un environnement de travail trouvé, au moment de le vivre pour la première fois, inacceptable. Ils en parlent avec nostalgie, souvent avec enthousiasme.
Avoir changé (ou laissé changer), voire inversé, leur vision de la normalité, leur a permis de s’intégrer socialement, par exemple en devenant eux-même directeurs et en imposant à d’autres, les conditions de travail qu’ils avaient trouvé inacceptables, voire des conditions encore plus dégradées, car la « nouvelle normalité » évolue, la société en demande toujours plus.
Ils sont fiers de leurs actes. La « nouvelle normalité » implique une « nouvelle moralité », car la société présente comme bienveillante ses pratiques généralisées, afin que les citoyens s’y insèrent, l’acceptent et y contribuent. Avoir des visions personnelles de la normalité et de la moralité qui soient en ligne avec la société est une condition sine qua non à la réussite sociale.
Les citoyens qui, au contraire, continuent de rejeter ces situations sont marqués, ont des troubles psychiatriques, parfois à vie. Ils restent en bas de la pyramide sociale ou sont marginalisés socialement. Ils sont moqués par ceux qui ont accepté les situations en question et qui y contribuent.
In fine, deux voies sont possibles :
- Se laisser conditionner et/ou se conditionner à être selon les codes de la société, afin d’être autorisé par cette dernière à construire sa vie. Avoir a minima une vie sociale correcte, au prix de la perte de soi.
- Souffrir. Échouer socialement du fait que l’on essaie de rester soi-même, parfois, voire souvent, vu l’emprise de la société sur l’individu, sans même y arriver. Mais, au moins, tenter, garder jusqu’au bout un résidu d’âme.
B) Un étiquetage social, un jugement collectif inverse à la raison
La société nous impose une vie socioprofessionnelle qui rendrait fou n’importe quel citoyen du siècle dernier : nous sommes tenus d’effectuer au quotidien une foultitude de taches, sans même avoir le temps d’y réfléchir, de leur donner un sens personnel, voire en étant tenu de leur attribuer un sens différent ou contraire à ce dernier, à savoir le sens affiché par la société.
La « nouvelle normalité » est l’une des résultantes de la déraison actuelle de notre société. Cette dernière, en imposant aux citoyens des traumatismes successifs, et en forçant ces derniers à les accepter, a collectivement fait évoluer leur vision de la normalité, voire l’a, en grande partie, inversée.
La société est dirigée, changée par les personnes les plus déséquilibrées, qui sont admirées et vues comme normales, voire comme des exemples, par un nombre notable de citoyens. Pendant que les personnes saines d’esprit, qui ne supportent pas la folie sociale actuelle, la « nouvelle normalité », sont vues, jugées, étiquetées comme folles.
Les « vérités sociales », à savoir les jugements, les opinions de la majorité des citoyens intégrés socialement, sont différentes de la réalité, en sont même souvent contraires.
Le décalage entre la réalité et ce qui fait office de vérité a des conséquences concrètes : il engendre, à grande échelle, nombre de situations personnelles tragiquement similaires.
C) Les personnes sensées deviennent réellement folles
Ainsi, la société se donne raison a posteriori, du moins en partie, tout en faisant comme si elle avait totalement raison, et ce, dès le départ.
C’est l’un des principes en politique : rendre vraies des assertions fausses, notamment en les faisant passer, dès le départ, comme telles. Et la politique a envahi toute la société. En particulier la médecine.
La société est devenue un gigantesque asile psychiatrique. Ses dirigeants, qui servent de modèles de sagesse et de raison, tiennent des discours incohérents intellectuellement, qui sont diffusés à haute dose, notamment de par les écrans. Tandis que les personnes réellement sensées reçoivent cette multitude de stimuli, contradictoires, illogiques sur le plan intellectuel et, entre autres pour ces raisons, au service d’une même logique sociale : tendre vers une humanité 2.0, tendre vers une société où le mal fait office de bien, tendre vers plus de folie sociale vue comme normalité.
Résultat : bien des personnes sensées deviennent folles, ont des troubles psychiatriques. La société rend ainsi « vraie », du moins partiellement, son étiquetage contraire, ses jugements initialement contraires à la réalité de départ.
D) Psychiatrie et « nouvelle normalité »
Trop de psychiatres effectuent alors un diagnostic en défaveur de ces personnes, typiquement une dépression ou une maladie bipolaire. Au lieu d’établir l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel (burn-out), qui ferait, au contraire, porter la faute à l’entreprise.
Les personnes sensées seront suivies par un voire des psychiatres, la plupart du temps durant des années, parfois durant toute leur vie. Elles resteront malades du fait même qu’elles sont considérées comme telles, prendront des psychotropes censés leur rendre la raison, tandis que ces derniers les maintiennent dans la folie ou les y plongent encore plus profondément .
Conclusion
La société, en inversant folie et raison, réalise le rêve de bien des déséquilibrés, ce qui était prévisible, vu que nombre d’entre eux en sont aux commandes.
Ces derniers ont mis en place le système actuel, tout en le subissant eux-mêmes, tels des savants fous, afin d’être certains que personne ne puisse, du moins totalement, y échapper.