Introduction : pourquoi les analyses de certains psychiatres sont-elles contestables ?
Un actif sur cinq présente une « détresse orientant vers un trouble mental ». Plus de la moitié des salariés présentent des « niveaux élevés d’anxiété ». Ces constats donnent lieu à beaucoup d’analyses effectuées par des professionnels, en particulier des psychiatres.
Cependant, leurs analyses peuvent s’avérer partielles, à cause des deux biais suivants :
- La priorité pour un psychiatre est que son patient se réinsère dans la société. De ce fait, il aura tendance à émettre des interprétations qui portent sur le patient lui-même plutôt que sur la société. Pour la plupart des psychiatres, la société est « normale », c’est le patient qui ne l’est pas. Il existe pourtant des théories contraires, comme l’atteste cette célèbre citation de Jiddu Krishnamurti : « Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade. »
- Les psychiatres n’ont souvent jamais travaillé eux-mêmes en entreprise. Or, nombre de patients qui viennent les voir sont des salariés ne supportant pas le monde du travail.
L’objet du présent article est de chercher des explications externes aux troubles des patients. Nous nous restreignons ici au cas des troubles bipolaires (alternances entre phase maniaque et phase dépressive), qui touchent environ 5% de la population.
La bipolarité : une analyse des causes
La société, notamment le monde du travail, est bipolaire. La plupart des salariés n’ont souvent que deux choix possibles :
- Adhérer aux contraintes sociales et être heureux de manière factice. Le bonheur en question est illusoire car ces personnes sont alors manipulées et ne sont plus elles-mêmes : le bien-être s’accompagne d’une forme de non-être couplée à une perte de lucidité.
- Rejeter les contraintes sociales et être réellement malheureux. La lucidité entraîne souvent une forme de mal-être, due à l’inhumanité de notre société. Et, réciproquement, le mal-être engendre mécaniquement de la lucidité : le fait de souffrir a tendance à faire revenir sur terre.
Ainsi, le bien-être est prôné à l’excès dans notre société qui « pourtant » (il y a opposition apparente mais, en réalité, un lien logique) provoque bien des souffrances chez ses membres.
En pratique, selon le contexte et les contraintes en question, les citoyens vont basculer d’un état à l’autre. Rien d’étonnant à ce que nombre de troubles bipolaires apparaissent lorsque les citoyens ont autour de trente ans : c’est vers cet âge qu’on est entré pleinement dans le monde du travail.
Il est regrettable que cette interprétation ne soit pas celle qui fasse consensus. Ce dernier consiste, au contraire, à affirmer que les personnes bipolaires le sont de naissance, mais que les troubles ne vont se déclencher que bien plus tard (vers la trentaine). Ce discours cache les causes profondes de cette maladie, qui sont à chercher dans les dysfonctionnements de notre société.
Conclusion
Les troubles psychiatriques pourraient être traités de la même façon que les déboires physiques. Lorsqu’une personne se casse le bras, son médecin lui demandera, en général, comment l’accident s’est produit et ne lui dira pas qu’elle a une fragilité de naissance.
Pour cela, il faudrait que les critiques sociales de fond soient mieux acceptées, notamment dans le monde médical. En particulier, trop peu de psychiatres font porter, dans leur diagnostic, la faute à l’entreprise qui a rendu le salarié malade. La plupart des praticiens contribuent ainsi à cette « responsabilisation » des victimes, qui consiste à leur transférer la culpabilité des « bourreaux », comme abordé dans l’article L’anti-système apparent [1].
Source
[1] https://docteurzinzin.com/2019/08/20/antisysteme-apparent/ L’anti-système apparent