Une évolution sociale notable consisterait à stopper l’infantilisation des citoyens. Cette dernière s’appuie sur l’idée (fausse) que le meilleur jugement est externe.
Par exemple, la plupart des politiques pensent savoir, mieux que les citoyens, ce qui est bon pour eux. Tandis que les politiques qui prennent réellement en compte l’avis des citoyens sont taxés de « populisme ».
Une autre illustration du phénomène est l’évaluation du comportement des salariés. Le rejet de l’école est fréquent dans le monde du travail mais, ironiquement, ce dernier reprend et parfois amplifie les pires pratiques scolaires. Des salariés qui ont une cinquantaine d’années sont traités comme s’ils en avaient cinq, et ce, par des supérieurs hiérarchiques plus jeunes qu’eux.
Or, les jugements externes contiennent, en réalité, de nombreux biais. Les « juges » les présentent souvent comme « factuels » donc comme absolus, mais ils pensent avant tout à leurs intérêts et cherchent, plus ou moins consciemment, à éliminer ceux qui pourraient les gêner, ceux qui sont différents. Cela donne lieu à des situations où des arrivistes font des leçons de morale à des personnes intègres.
Au contraire, le meilleur jugement de soi est réalisé par soi-même, à condition d’être lucide. Qui peut le plus facilement avoir accès aux informations sur soi, à part soi-même ? Certes, l’exercice n’est pas simple pour autant, car il peut y avoir des blocages psychologiques à se regarder froidement et, parfois, à se dévaluer. Mais, au final, qu’est-ce qui est le plus humiliant ? Être rabaissé fallacieusement par d’autres personnes ou avoir un regard critique sur soi ?
Être adulte, c’est avant tout être capable de se remettre en question. L’infantilisation des citoyens les prive d’une part importante de leur libre arbitre, celle qui consisterait à déterminer, par eux-mêmes, s’ils ont correctement agi.
Cet état de fait aboutit aux pires dérives : trop de personnes agissent mal tout en étant sûres de bien faire. Elles n’écoutent plus leur « voix intérieure » et adhèrent mécaniquement aux injonctions de leurs « juges ».