Réforme de l’université : bienvenue dans un monde parallèle

Lors d’une conférence de presse qui a eu lieu fin octobre dernier, le gouvernement a officialisé un « Plan Étudiants » [1]. Ce dernier est constitué de 20 mesures phares, l’image ci-dessous provenant de la communication gouvernementale :

Plan_Etudiants

Le « Plan Étudiants » a suscité de vives critiques de la part de l’opposition [2].

La France insoumise a indiqué que :

  • La réforme consiste à « ajuster le nombre d’étudiants au nombre de places disponibles », alors que c’est l’inverse qui serait souhaitable.
  • La prise en compte du profil des lycéens s’apparentait à « une sélection sur dossier » et à « un tri entre l’excellence et la seconde zone ».
  • Ce texte va empêcher les « lycéens de classe populaire » d’accéder aux filières désormais « sélectives » de l’université.

Les Républicains ont, eux, critiqué la réforme pour des raisons opposées, plaidant pour la « construction d’universités d’excellence ».

En s’opposant frontalement au « Plan Étudiants » et en tombant parfois dans des clichés, l’opposition a joué le rôle que le gouvernement attendait d’elle : valider par la négation les axes de la réforme et contribuer à leur propagation dans le débat public.

Les débats à l’Assemblée nationale ont ainsi masqué, au lieu de mettre en évidence, des points importants :

  • Le système universitaire est dans les faits l’un des plus sélectifs. Le plus préoccupant n’est pas la sélection à l’entrée, mais plutôt l’absence de débouchés et de valorisation à la sortie pour les diplômés, qui ont travaillé dur.
  • Garantir le droit à la formation pour tous, sans garantir le droit à la valorisation de la formation, ne résout pas, mais créée, des inégalités sociales.

Le « modèle social français » n’est ni à réformer, ni à défendre : il est à construire. En particulier, l’université ne joue pas de rôle social profond, à la limite parfois un rôle de pansement. L’université a avant tout un rôle de transmission de savoir, avec plus ou moins de succès, et plus ou moins de légitimité.

Il faudrait que les politiques cessent de vouloir faire croire aux citoyens que la réussite dans les études débouche sur une réussite sociale. La réussite sociale est avant tout basée sur les réseaux. Les politiques ne peuvent ignorer cette réalité. Les diplômes servent d’étiquettes pour « justifier », moralement et a posteriori, la réussite sociale.

L’illusion de lien entre études et carrière empêche les citoyens d’être critiques sur des changements de société présentés comme de grandes avancées sociales, par exemple la démocratisation de l’école. Le sujet social majeur n’est pas celui de l’égalité des chances scolaires, mais celui de l’égalité des chances de carrière. A quoi bon être instruit lorsqu’on est pris pour un imbécile ?

Une première étape réelle pour une construction sociale basée sur les études serait de rendre les universités responsables de l’échec professionnel de leurs diplômés. Faire travailler pendant trois ans (pour une licence), cinq ans (pour un master), voire huit ans (pour un doctorat) des jeunes adultes en leur faisant miroiter des postes bien supérieurs aux débouchés réels, lorsque ces derniers sont existants, constitue un gâchis.

Sources

[1] http://www.education.gouv.fr/cid122039/plan-etudiants-accompagner-chacun-vers-la-reussite.html#Le_Plan_Etudiants_en_20_mesures Plan Étudiants : accompagner chacun vers la réussite

[2] http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/12/13/melenchon-premier-opposant-a-la-reforme-de-l-acces-a-l-universite_5229019_4401467.html  Mélenchon, premier opposant à la réforme de l’accès à l’université

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s